Premiers adeptes de l'Islam
Les premiers adeptes
La première personne à croire en la nouvelle religion fut son épouse Khadîja. Elle le connaissait déjà comme un homme au coeur noble et à la nature droite. Elle savait pertinemment que son époux, qui n'avait jamais sciemment prononcé de parole fausse, n'aurait jamais eu l'idée de se déclarer prophète si telle n'était pas la stricte vérité. Connaissant son honnêteté et sa sincérité exemplaires, elle comprenait qu'il était l'homme que Dieu aurait choisi pour transmettre Son message à l'humanité. Elle affirma donc en toute confiance qu'elle croyait qu'il n'y avait qu'un seul Dieu et que Muhammad était le Messager de Dieu.
L'empressement de Khadîja à embrasser la nouvelle religion était une bénédiction : elle allait apporter au Prophète un soutien indéfectible et le réconforter lorsque, au cours des années à venir, l'opposition à son message se ferait de plus en plus violente et pernicieuse. Quand il sortait pour s'acquitter de ses devoirs de messager, il se trouvait souvent confronté à des insultes, des sarcasmes ou des violences physiques. Il rentrait chez lui triste et abattu, mais elle était toujours là pour l'encourager et le soutenir. Elle faisait de son mieux pour le réconforter, et il retrouvait bientôt son entrain et son optimisme. En réponse à ce soutien sans faille, Gabriel apparut un jour au Prophète pour lui dire de transmettre à Khadîja la salutation de Dieu et de lui annoncer l'heureuse nouvelle qu'elle jouirait au Paradis d'une place spéciale où elle connaîtrait un bonheur absolu. Dans un hadîth authentique, le Prophète a dit : « La meilleure femme là-bas [c'est-à-dire au Paradis] est Marie, fille de 'Imrân, et la meilleure femme ici-bas est Khadîja. »
Le premier converti de sexe masculin fut un garçon de dix ans, 'Alî ibn Abî Tâlib. Il était le cousin du Prophète et avait été élevé chez celui-ci. Quelques années auparavant, en effet, les Quraysh avaient traversé une période difficile. Bien qu'étant le chef de son clan et jouissant d'une position d'honneur à La Mecque, Abu Tâlib n'était pas riche et avait une grande famille. En ces temps difficiles, Muhammad (SAW)voulut faire un geste pour aider son oncle.
Il alla donc parler à un autre de ses oncles, al-Abbâs ibn Abd al-Muttalib, et lui proposa : « Tu sais que ton frère Abu Tâlib a une grande famille, et les temps sont très durs pour tout le monde. Je propose que nous allions le voir tous les deux pour lui offrir notre aide : tu prendras l'un de ses fils pour l'élever et j'en prendrai un autre, afin de réduire ses charges. » Al-Abbâs accepta et ils allèrent parler à Abu Tâlib pour lui proposer de prendre en charge deux de ses enfants tant que durerait cette période difficile. Abu Tâlib accepta, à condition que son fils aîné, Tâlib, reste avec lui. Le Prophète prit Alî chez lui, et al-Abbâs prit Ja'far. Alî demeura avec le Prophète jusqu'à l'époque où il reçut son message et eut ainsi l'avantage de devenir musulman dans les tout premiers temps. Ja'far devait lui aussi devenir l'un des premiers musulmans.
Le premier homme à embrasser l'islam après le Prophète fut son serviteur, Zayd ibn Hâritha. Il n'est en rien étonnant que Zayd ait embrassé l'islam sans un instant d'hésitation, lorsqu'on se rappelle son histoire avec le Prophète. Quand Zayd avait huit ans, sa mère, Su'dâ bint Tha'laba, l'emmena en voyage pour rendre visite à sa famille. Elle fut attaquée en chemin par un groupe de cavaliers qui s'emparèrent de Zayd et le vendirent ensuite comme esclave dans l'une des foires arabes, celle de Hubbâsha. Zayd fut, semble-t-il, revendu deux ou trois fois avant de se retrouver en Syrie. Quelque temps plus tard, un homme de Quraysh nommé Hakîm ibn Hizâm l'y acheta et l'emmena à La Mecque.
Hakîm, qui était un neveu de Khadîja, ramena aussi plusieurs autres jeunes esclaves. Sa tante étant venue lui rendre visite à son retour, il lui dit : « Tante, regarde ces esclaves et choisis celui que tu veux. » Elle choisit Zayd et le ramena chez elle. Cela se passait alors qu'elle était déjà mariée au Prophète, mais bien avant qu'il ait commencé à recevoir les révélations. Le Prophète apprécia Zayd dès qu'il le vit et demanda à Khadîja de le lui donner : elle accepta volontiers.
Le père de Zayd était très affecté de sa perte et ne pouvait l'oublier car il savait que son fils avait sûrement été vendu comme esclave. Comme c'était la coutume des Arabes, il exprima sa peine dans des vers émouvants : « La question me tourmente, reviendras-tu jamais ? Alors mon plus cher voeu se réaliserait. Le soleil qui se lève me fait souvenir de lui, son souvenir revient lorsque tombe la nuit, lorsque souffle le vent, je pense encore à lui. Bien long est mon chagrin, bien mince est mon espoir. »
Réciter des vers comme ceux-là dans les rassemblements et les foires était le meilleur moyen de faire circuler les informations en Arabie à l'époque. Les voyageurs retenaient les vers et les déclamaient probablement sur la route. Lorsqu'ils fusaient halte quelque part, c'était par la récitation de ces vers que les nouvelles étaient transmises. Il n'est donc pas étonnant que dans son nouveau lieu de résidence à La Mecque, Zayd ait entendu les vers de son père. Il répondit à son message en récitant à son tour des vers où il mentionnait qu'il se trouvait à La Mecque.
Son père ne tarda pas à l'apprendre et décida de partir avec son frère pour chercher Zayd à La Mecque. Quelque temps avant le début de la mission prophétique de Muhammad , Hâritha et Ka'b, fils de Sharâhîl, arrivèrent donc à La Mecque pour y apprendre que Zayd, le fils de Hâritha, se trouvait chez Muhammad. Ils allèrent le voir et lui adressèrent ce fervent plaidoyer : « Tu es le petit-fils de Abd al-Muttalib, l'ancien maître de cette cité ; tu es le fils du grand maître de son peuple. Toi et les tiens, vous êtes les voisins de Dieu dans cette cité bénie. Ta réputation est depuis longtemps faite : tu nourris ceux qui ont faim et aides les nécessiteux. Nous sommes venus te voir au sujet de notre fils, ton esclave, pour te demander de faire preuve de bonté et d'accepter de nous le vendre. »
Muhammad (SAW) répondit : « Que diriez-vous si je vous faisais une meilleure proposition ? » Ils demandèrent : « Quelle proposition ? » Il dit alors : « Je vais appeler Zayd et lui laisser le choix. S'il choisit de partir avec vous, il le fera. Mais s'il choisit de rester avec moi, eh bien par Dieu, je ne décevrai pas quelqu'un qui me choisit. » Ils répondirent : « Ta proposition est plus que juste. »
Muhammad appela donc Zayd et lui demanda : « Qui sont ces deux hommes ? » Zayd répondit : « Celui-ci est mon père, Hâritha ibn Sharâhîl, et celui là est mon oncle, Ka'b ibn Sharâhîl. » Muhammad (SAW) lui dit alors : « Je te donne le choix : si tu veux, tu peux partir avec eux, ou si tu veux, tu peux rester avec moi. » Zayd répondit sans hésiter : « Je resterai avec toi. » Cela fut un choc pour les deux hommes. Son père demanda : « Zayd, préfères-tu rester esclave plutôt que de rejoindre tes parents, ton foyer et ta tribu ? » Zayd répondit : « J'ai vu certaines choses avec cet homme, et je ne le quitterai jamais pour aller nulle part. »
À ce moment, Muhammad prit Zayd par la main et ils allèrent ensemble près de la Ka'ba, à l'endroit où les Quraysh avaient l'habitude de se réunir. Là, Muhammad (SAW) déclara : « Soyez témoins que ce garçon est mon fils : il est mon héritier et je suis son héritier. » C'était la formule officielle d'adoption telle qu'elle était pratiquée alors en Arabie. Le père de Zayd fut satisfait de l'issue de sa mission, car il était certain que Zayd ne subirait aucun mal en compagnie de Muhammad (SAW). Après ce jour, Zayd fut connu sous le nom de Zayd ibn Muhammad.
C'est ainsi qu'on continua à l'appeler durant de nombreuses années, jusqu'à l'interdiction de l'adoption quelques années après l'établissement du Prophète à Médine. Ce fut alors que Dieu ordonna aux musulmans d'appeler leurs enfants adoptifs par le nom de leurs propres parents : l'adoption était interdite. Zayd reprit alors son nom, Zayd ibn Hâritha.
Avant le début de la mission prophétique, Zayd avait donc compris que Muhammad était quelqu'un de particulier. Il lui vouait une grande affection, un sentiment partagé par Muhammad (SAW), tant avant qu'après le début de sa mission. Deux ou trois ans après la mort de Zayd, le Prophète dit de lui : « C'était l'une des personnes que j'aimais le plus. » Avec les années, Zayd en avait appris assez sur l'intégrité et la bonté de Muhammad pour accepter son message et croire en lui sans hésiter.