Première révélation

20/04/2013 17:55

 

La première révélation

Les récits ne nous disent pas grand-chose de la manière dont Muhammad  vécut après son mariage, jusqu'à l'époque où il commença à recevoir les révélations divines. Il est néanmoins certain que son union fut très heureuse. En outre, ce mariage lui procurait une vie aisée. Bien que les récits ne comportent aucune référence directe à l'activité qu'exerçait Muhammad à cette époque, on peut raisonnablement supposer qu'il continua à gérer les affaires de son épouse. Puisque la majeure partie du travail reposait sur le commerce caravanier, la tâche n'était pas très ardue.

Aucun des biographes anciens du Prophète ne fait état de sa participation à des voyages commerciaux pour le compte de Khadîja après leur mariage, mais il gérait très probablement les affaires à sa place. Peut-être choisissait-il les hommes qui voyageaient pour elle et supervisait-il les préparatifs à l'expédition des marchandises avant le départ de la caravane, ainsi que la vente des produits importés au retour.

Nous ne possédons pas non plus de récit détaillé au sujet du rôle social de Muhammad  à La Mecque. On sait que les Mecquois se retrouvaient autour de la Ka'ba pour y passer des moments agréables le matin et l'après-midi. Malgré sa personnalité aimable et le plaisir que chacun semblait trouver à sa compagnie, Muhammad ne paraît pas s'être beaucoup intéressé à ces réunions, probablement parce que les conversations n'auraient pas manqué de porter sur le culte des idoles et sur la débauche. C'étaient là des sujets de discussion habituels, à moins que des affaires plus sérieuses ne retiennent l'attention. Mais ces sujets n'intéressaient pas Muhammad : il détestait les idoles depuis son enfance, et Dieu le protégeait des plaisirs frivoles. De fait, le fossé intellectuel était profond entre Muhammad et les gens de La Mecque.

Ce fossé continua à se creuser avec les années, sans pour autant que ses concitoyens ne cessent de le respecter pour son caractère honnête, sérieux et aimable. C'était sans doute à cause de cette différence que Muhammad  commença à se retirer de La Mecque pour des périodes d'isolement total. Au mois de Ramadan de chaque année, il se rendait sur une montagne appelée Hirâ, qui n'était distante que de quelques kilomètres mais lui offrait une tranquillité absolue. Il y avait sur cette montagne une petite grotte où Muhammad restait plusieurs jours d'affilée.

Lorsque ses provisions étaient épuisées, il rentrait chez lui en chercher et revenait pour quelques jours encore. À la fin du mois, il rentrait chez lui, en commençant par se rendre à la Ka'ba où il accomplissait le tawâf, tournant sept fois autour de la Ka'ba avant d'aller retrouver sa femme. Pour atteindre cette grotte, Muhammad  devait grimper jusqu'en haut de la montagne puis redescendre un peu de l'autre côté. La grotte est petite : l'entrée est assez large pour qu'une personne y passe facilement, mais deux personnes ont du mal à y prier ensemble. L'entrée est plus étroite au sommet, et mesure tout juste deux mètres de haut.

Bien que le sol de la grotte soit plat, le plafond descend au fur et à mesure qu'on y pénètre : il est très bas au fond de la grotte, où une petite ouverture permet une bonne aération. La grotte n'est pas très spacieuse ; elle est juste assez grande pour permettre à une personne de s'asseoir, de se tenir debout ou de dormir. Il est intéressant de mentionner que lorsqu'on se tient debout pour prier à l'entrée de la grotte en regardant par l'ouverture qui est au fond, on aperçoit la Ka'ba à l'horizon. Juste avant l'entrée, deux grands rochers protègent la grotte et donnent à cet endroit un air totalement isolé. Sur les côtés, les grands rochers forment un petit espace dégagé surplombant un versant presque vertical de la montagne, que seuls des alpinistes bien équipés peuvent essayer d'escalader.

Ce petit espace à côté de la grotte devait permettre à Muhammad de contempler la vie humaine aux alentours et la vaste étendue de l'univers. Muhammad  passait ses journées et ses nuits à méditer et à adorer Dieu. Il adressait son culte au Créateur de l'univers. Il ne suivait pas de forme de culte particulière car il n'en connaissait pas, mais il était conscient de l'absurdité des croyances de ses concitoyens. Muhammad trouvait dans ces jours d'isolement un réconfort qui le soutenait tout au long de l'année.

Il se rendait compte qu'il existait une force de vérité au-delà de ce monde, un pouvoir contrôlant nécessairement l'univers tout entier. Le monde qui l'entourait ne pouvait pas être le résultat d'une coïncidence. Mais il aurait été incapable de dire comment cette vérité se traduisait.

On peut facilement être tenté de surestimer l'importance de cette période d'isolement et de méditation de Muhammad . Des auteurs et biographes modernes, en particulier, ont essayé de le montrer tentant de trouver une issue aux ténèbres dans lesquelles était plongé son peuple. Cela peut nous conduire très près de l'affirmation que Muhammad était à la recherche d'une idée ou d'une croyance. Or, ceci n'est vrai que dans la mesure où l'on entend par là qu'il rejetait toutes les croyances qu'il connaissait et qui avaient cours dans la société mecquoise. Il est certain qu'il n'aspirait nullement au rôle pour lequel il fut plus tard désigné.

S'adressant au Prophète, Dieu dit dans le Coran : « Tu n'espérais point que le Livre te serait révélé. Et s'il l'a été, c'est uniquement par un effet de la miséricorde de ton Seigneur. » (28.86). Néanmoins, cette période régulière d'isolement contribua à préparer Muhammad à recevoir les révélations divines. Cette préparation comportait d'autres aspects. Il était nécessaire que Muhammad  comprenne que la relation unique qui allait bientôt s'établir entre l'Ange Gabriel et lui-même était réelle et véridique. Lorsqu'il était seul, il lui arrivait de voir une lumière ou d'entendre un son ; un être invisible l'appelait parfois par son nom. Cependant, il ne s'en préoccupait guère.

Lorsqu'il était inquiet, il faisait part de ses craintes à son épouse Khadîja : elle le rassurait en lui disant que jamais Dieu ne permettrait qu'un mal lui arrive. « Par Dieu, disait-elle, tu t'acquittes fidèlement de tes charges, tu es bon envers tes proches et tu dis toujours la vérité. » Elle alla néanmoins voir son cousin Waraqa ibn Nawfal, le vieil érudit chrétien, pour l'interroger sur ce que Muhammad voyait et entendait : il la rassura à son tour, et fit dire à Muhammad d'être rassuré.