Contexte de la Mecque
Le contexte Mecquois
On a expliqué comment la tribu des Quraysh vint à s'imposer en Arabie en obtenant la suprématie à La Mecque. C'était son ancêtre, Qusayy ibn Kilâb, qui avait établi à La Mecque la domination de sa tribu et fondé de nombreuses institutions gouvernementales encore actives à l'époque où le Prophète commença à recevoir son message. Le niveau de gouvernement était assez avancé pour l'époque et aida La Mecque à se transformer d'une ville semi-nomade en une cité civilisée.
Le système de gouvernement permettait une distribution équilibrée des responsabilités et des fonctions, ainsi qu'un gouvernement par consensus, résultant généralement d'une consultation ouverte. Dans son ouvrage d'érudition sur la vie du Prophète, le cheikh Abu al-Hasan Alî al-Hasanî Nadwî consacre un chapitre entier à l'analyse de la situation à La Mecque durant la période précédant immédiatement le début de la Révélation.
Il évoque le fait que la suprématie des Quraysh à La Mecque poussa un certain nombre de tribus arabes plus petites à s'y installer, pour vivre dans le voisinage de la Ka'ba, la Mosquée Sacrée. Cela permit le développement d'une industrie de la construction prospère et l'expansion de La Mecque dans toutes les directions. Les Mecquois évitaient au départ de construire des habitations de forme carrée, afin de les différencier de la Ka'ba. Ils abandonnèrent peu à peu cette restriction, mais continuèrent toutefois à ne pas construire de bâtiments plus hauts que la Ka'ba.
Comme nous l'avons dit précédemment, les Quraysh organisaient deux expéditions commerciales par an : l'une en Syrie en été, l'autre au Yémen en hiver. Ces deux voyages formaient la base de l'économie de la cité. En outre, comme le souligne le Professeur Nadwî, un certain nombre de foires et de marchés saisonniers étaient organisés à La Mecque, ainsi que des marchés spécialisés qui fonctionnaient toute l'année. Les marchands mecquois voyageaient dans diverses régions de l'Afrique et de l'Asie, ce qui encourageait un commerce extérieur très actif.
Ce commerce prospère assurait à de nombreux Mecquois une vie affluente. La richesse s'accompagne habituellement de différents traits liés à une vie luxueuse : les riches Mecquois se réunissaient près de la Ka'ba, avec parmi eux des poètes qui récitaient leurs poèmes. La poésie était alors la forme littéraire la plus respectée, l'immense majorité des Arabes de l'époque ne sachant ni lire ni écrire. La poésie était un talent national et individuel auquel on attachait une grande valeur. Dans une société tribale, il est en effet très important que chaque individu connaisse bien sa tribu et ses origines, car la tribu garantit sa protection à chacun de ses membres. Un individu dépourvu d'une telle protection s'exposerait à d'immenses difficultés.
Chacun s'intéressait donc à la connaissance de ses ancêtres. Cette insistance sur la lignée et les ancêtres se perpétuait à La Mecque : certaines personnes, dont Abu Bakr, le plus proche Compagnon du Prophète, avaient pour tâche de contrôler la lignée de chaque tribu.
La Mecque présentait de nombreux éléments de civilisation, et plusieurs aspects de la science avaient commencé à s'y développer, comme l'astronomie et une médecine rudimentaire. Les gens attachaient une grande valeur à leurs chevaux et en possédaient une connaissance approfondie. Les industries étaient cependant rares à La Mecque car ses habitants n'aimaient pas travailler de leurs mains. Seuls les métiers artisanaux absolument indispensables avaient pu se développer : la manufacture des sabres et des lances nécessaires au combat, par exemple, ou encore les métiers de la construction.
Néanmoins, la plupart des ouvriers du bâtiment étaient perses ou byzantins. Du point de vue militaire, les Quraysh avaient les moyens de repousser toute attaque éventuelle. Ils ne comptaient pas uniquement sur leur propre nombre mais avaient établi des alliances avec un grand nombre des tribus arabes qui vivaient près de La Mecque. Les Quraysh pouvaient en outre compter sur leurs nombreux esclaves et sur tous les individus qui étaient alliés aux divers clans issus de Quraysh.
Tous se rangeraient du côté de Quraysh si un conflit éclatait. L'armée levée par les Quraysh et leurs alliés lors de la Bataille du Fossé comptait dix mille hommes : c'était la plus importante force militaire jamais connue dans la péninsule arabique. Cependant, les Quraysh avaient tendance à préférer une vie calme et paisible. Ils étaient toujours disposés à vivre en paix avec leurs voisins, dans la mesure où leur position et leurs croyances religieuses n'étaient pas remises en cause. Lorsqu'ils rencontraient une menace, ils étaient toujours prêts à y faire face en comptant sur leur supériorité numérique.
La Mecque était la plus grande cité d'Arabie : elle en était la capitale religieuse et économique, devant d'autres cités comme San'a au Yémen ou des centres du nord soumis à la domination perse ou byzantine.