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Construction Ka'ba

19/04/2013 20:09

 

                                                                  La reconstruction de la Ka'ba

Muhammad  avait trente-cinq ans lorsque les Quraysh se rendirent compte qu'il était absolument nécessaire qu'ils reconstruisent la Ka'ba. Il était bien normal en effet qu'un bâtiment aussi ancien ait subi avec le temps des dégradations structurelles. La vieille construction devait être démolie et reconstruite ; de simples réparations ne pouvaient suffire.

La Mecque avait été touchée peu de temps auparavant par de graves inondations et les murs de la Ka'ba étaient fissurés. La décision ne fut pas facile à prendre pour les chefs de La Mecque : ils envisageaient avec réticence la démolition de la Ka'ba, mais ne voyaient pas comment ils pourraient réussir à préserver l'édifice s'ils se contentaient de réparations de fortune. Ils se décidèrent finalement et fixèrent une date au début des travaux.

Ce fut A'idh ibn 'Imrân ibn Makhzûm, un oncle maternel du père du Prophète, qui commença les travaux. Il ôta l'une des pierres, qui aussitôt revint à sa place. C'était, semble-t-il, un homme sage. Lorsqu'il vit la pierre reprendre sa place, il dit : « Peuple de Quraysh, choisissez votre argent le plus pur pour construire la Ka'ba. Ne mettez pas parmi les fonds destinés à la construction d'argent gagné par une prostituée ni de produit de l'usure, ni de biens extorqués à quelqu'un par la force. »

Cela montre que même à l'époque la plus sombre du paganisme, les Arabes reconnaissaient que la fornication et l'usure étaient de mauvaises actions. Un lieu destiné au culte de Dieu ne pouvait être financé par des gains provenant de sources aussi impures.

Les chefs de La Mecque eux-mêmes et les nobles de tous les clans de Quraysh s'impliquèrent personnellement dans les travaux de construction. Ils y voyaient un honneur à ne pas manquer. Ils organisèrent le travail afin que tous les hommes travaillent deux par deux, pour porter les pierres et les placer au bon endroit. Les femmes prenaient aussi part à la besogne et portaient le mortier destiné à sceller les pierres ensemble. Le Prophète participa également aux travaux de construction, aux côtés de son oncle al-'Abbâs.

On relate également que lorsque les hommes de Quraysh se réunirent pour commencer la démolition afin de reconstruire la Ka'ba, personne n'était disposé à commencer. Tous étaient très réticents à démolir l'édifice de crainte que quelque chose ne leur arrive. Al-Walîd ibn al-Mughîra, l'un de leurs chefs, se porta volontaire pour commencer. Il prit sa hache et s'avança en répétant ces mots :

« Seigneur, nous ne voulons pas faire de mal. Seigneur, nous agissons dans un but honorable. » Il se mit alors au travail, démolissant une partie de l'édifice, près de l'angle où se trouvait la Pierre Noire. Personne ne se joignit à lui : tous pensaient qu'il vaudrait mieux attendre le lendemain. Ils se disaient entre eux : « Attendons cette nuit. Si quelque chose arrive à al-Walîd, nous ne poursuivrons pas notre entreprise et nous remettrons ce qu'il a enlevé comme auparavant. S'il va bien, c'est que Dieu a accepté ce que nous faisons et nous continuerons. »

Construction Ka'ba

19/04/2013 20:11

 

                                                      Construction de la Ka'ba

Le lendemain matin, al-Walîd fut l'un des premiers à arriver pour se mettre au travail : il continua la démolition et d'autres se joignirent à lui. Lorsqu'ils arrivèrent aux fondations posées par Abraham, ils trouvèrent des pierres vertes bien taillées, solidement scellées ensemble. Un récit avance qu'un homme inséra un levier entre deux de ces pierres pour les séparer : lorsque la pierre bougea, la ville tout entière fut secouée. Ils cessèrent immédiatement les travaux de démolition et commencèrent la reconstruction.

À l'époque, la Ka'ba était beaucoup plus basse qu'aujourd'hui : sa hauteur n'était que de neuf coudées. Les Quraysh décidèrent de la doubler. Lorsque, quatre-vingt-dix ans plus tard, la Ka'ba fut à nouveau reconstruite par Abdullâh ibn az-Zubayr, celui-ci l'éleva encore jusqu'à sa hauteur actuelle, à savoir vingt sept coudées. Cette élévation supplémentaire signifiait qu'il fallait apporter plus de pierres. Tous les clans de Quraysh travaillaient dur à cette tâche. Chaque clan travaillait séparément. Lorsqu'ils pensèrent avoir réuni suffisamment de pierres, ils élevèrent le bâtiment, très fiers de leur oeuvre. Il semble que chaque clan voulait pouvoir revendiquer davantage l'honneur d'avoir construit la Ka'ba.

Les vieilles jalousies refaisaient surface et des querelles éclataient fréquemment. Ce fut au moment de remettre en place la Pierre Noire que le désaccord entre les clans fut le plus violent. Chaque clan voulait obtenir cet honneur. Les esprits étaient échauffés et les gens commencèrent à vouloir résoudre la querelle par les armes. Ils furent vite sur le point de se battre.

Quatre ou cinq nuits passèrent, dans une tension extrême. Une alliance se forma entre le clan des Abd ad-Dâr et celui des Adî ibn Ka'b pour combattre jusqu'au bout ; l'alliance fut scellée par le sang. Quelques sages tentèrent néanmoins de désamorcer le conflit. Une réunion fut organisée dans la mosquée elle-même et l'on discuta de la manière de résoudre l'affaire à l'amiable. Ce n'était toutefois pas facile. Le doyen des Quraysh, Abu Umayya ibn al-Mughîra, émit une suggestion qui fit l'unanimité : il suggéra qu'on demande au premier homme à entrer dans la mosquée d'arbitrer la dispute, et que tous se soumettent à son jugement.

Le premier homme à entrer ne fut autre que Muhammad . Il n'avait encore reçu aucune révélation et ignorait sa mission prophétique. Cependant, il était respecté de tous pour son intégrité et sa justice. La satisfaction fut donc unanime lorsqu'il apparut. Les gens dirent : « C'est l'homme digne de confiance, al-amîn, et nous l'acceptons comme arbitre. » Ils lui soumirent leur querelle, et il reconnut immédiatement qu'il s'agissait d'une question très sensible, nécessitant beaucoup de tact. Il leur demanda d'apporter une pièce d'étoffe et de désigner un représentant de chaque clan.

Lorsqu'ils eurent obéi, il plaça la Pierre Noire sur l'étoffe et demanda à ces représentants des clans de la soulever tous ensemble, avec la Pierre Noire dessus, et de porter ainsi cette dernière à sa place. Lorsqu'ils l'eurent apportée jusqu'à son emplacement exact, il l'y plaça lui-même et l'y scella. Tous étaient satisfaits de cette solution qui garantissait qu'aucun clan ne pourrait revendiquer à lui seul l'honneur d'avoir remis en place la Pierre Noire. Chacun avait sa pair dans cet honneur. En outre, cette solution éleva le statut de Muhammad parmi les siens.

Contexte de la Mecque

19/04/2013 20:19

 

                                                           Le contexte Mecquois

On a expliqué comment la tribu des Quraysh vint à s'imposer en Arabie en obtenant la suprématie à La Mecque. C'était son ancêtre, Qusayy ibn Kilâb, qui avait établi à La Mecque la domination de sa tribu et fondé de nombreuses institutions gouvernementales encore actives à l'époque où le Prophète  commença à recevoir son message. Le niveau de gouvernement était assez avancé pour l'époque et aida La Mecque à se transformer d'une ville semi-nomade en une cité civilisée.

Le système de gouvernement permettait une distribution équilibrée des responsabilités et des fonctions, ainsi qu'un gouvernement par consensus, résultant généralement d'une consultation ouverte. Dans son ouvrage d'érudition sur la vie du Prophète, le cheikh Abu al-Hasan Alî al-Hasanî Nadwî consacre un chapitre entier à l'analyse de la situation à La Mecque durant la période précédant immédiatement le début de la Révélation.

Il évoque le fait que la suprématie des Quraysh à La Mecque poussa un certain nombre de tribus arabes plus petites à s'y installer, pour vivre dans le voisinage de la Ka'ba, la Mosquée Sacrée. Cela permit le développement d'une industrie de la construction prospère et l'expansion de La Mecque dans toutes les directions. Les Mecquois évitaient au départ de construire des habitations de forme carrée, afin de les différencier de la Ka'ba. Ils abandonnèrent peu à peu cette restriction, mais continuèrent toutefois à ne pas construire de bâtiments plus hauts que la Ka'ba.

Comme nous l'avons dit précédemment, les Quraysh organisaient deux expéditions commerciales par an : l'une en Syrie en été, l'autre au Yémen en hiver. Ces deux voyages formaient la base de l'économie de la cité. En outre, comme le souligne le Professeur Nadwî, un certain nombre de foires et de marchés saisonniers étaient organisés à La Mecque, ainsi que des marchés spécialisés qui fonctionnaient toute l'année. Les marchands mecquois voyageaient dans diverses régions de l'Afrique et de l'Asie, ce qui encourageait un commerce extérieur très actif.

Ce commerce prospère assurait à de nombreux Mecquois une vie affluente. La richesse s'accompagne habituellement de différents traits liés à une vie luxueuse : les riches Mecquois se réunissaient près de la Ka'ba, avec parmi eux des poètes qui récitaient leurs poèmes. La poésie était alors la forme littéraire la plus respectée, l'immense majorité des Arabes de l'époque ne sachant ni lire ni écrire. La poésie était un talent national et individuel auquel on attachait une grande valeur. Dans une société tribale, il est en effet très important que chaque individu connaisse bien sa tribu et ses origines, car la tribu garantit sa protection à chacun de ses membres. Un individu dépourvu d'une telle protection s'exposerait à d'immenses difficultés.

Chacun s'intéressait donc à la connaissance de ses ancêtres. Cette insistance sur la lignée et les ancêtres se perpétuait à La Mecque : certaines personnes, dont Abu Bakr, le plus proche Compagnon du Prophète, avaient pour tâche de contrôler la lignée de chaque tribu.

La Mecque présentait de nombreux éléments de civilisation, et plusieurs aspects de la science avaient commencé à s'y développer, comme l'astronomie et une médecine rudimentaire. Les gens attachaient une grande valeur à leurs chevaux et en possédaient une connaissance approfondie. Les industries étaient cependant rares à La Mecque car ses habitants n'aimaient pas travailler de leurs mains. Seuls les métiers artisanaux absolument indispensables avaient pu se développer : la manufacture des sabres et des lances nécessaires au combat, par exemple, ou encore les métiers de la construction.

Néanmoins, la plupart des ouvriers du bâtiment étaient perses ou byzantins. Du point de vue militaire, les Quraysh avaient les moyens de repousser toute attaque éventuelle. Ils ne comptaient pas uniquement sur leur propre nombre mais avaient établi des alliances avec un grand nombre des tribus arabes qui vivaient près de La Mecque. Les Quraysh pouvaient en outre compter sur leurs nombreux esclaves et sur tous les individus qui étaient alliés aux divers clans issus de Quraysh.

Tous se rangeraient du côté de Quraysh si un conflit éclatait. L'armée levée par les Quraysh et leurs alliés lors de la Bataille du Fossé comptait dix mille hommes : c'était la plus importante force militaire jamais connue dans la péninsule arabique. Cependant, les Quraysh avaient tendance à préférer une vie calme et paisible. Ils étaient toujours disposés à vivre en paix avec leurs voisins, dans la mesure où leur position et leurs croyances religieuses n'étaient pas remises en cause. Lorsqu'ils rencontraient une menace, ils étaient toujours prêts à y faire face en comptant sur leur supériorité numérique.

La Mecque était la plus grande cité d'Arabie : elle en était la capitale religieuse et économique, devant d'autres cités comme San'a au Yémen ou des centres du nord soumis à la domination perse ou byzantine.

Contexte Mecquois

19/04/2013 20:28

 

                                                     Contexte de la Mecque

La Mecque était la plus grande cité d'Arabie : elle en était la capitale religieuse et économique, devant d'autres cités comme San'a au Yémen ou des centres du nord soumis à la domination perse ou byzantine.

Sur le plan moral, cependant, la vie à La Mecque laissait beaucoup à désirer. L'affluence dont jouissaient les Mecquois les incitait à s'adonner à toutes sortes de vices. Le jeu, la boisson, et toutes sortes de divertissements organisés où régnait la débauche la plus outrancière, étaient monnaie courante. Avec cela, les Mecquois n'étaient guère scrupuleux dans leurs relations avec les autres : la cruauté, l'injustice et la spoliation d'autrui par la force restaient impunies. Il en résultait inévitablement des tensions, qui ne pouvaient que saper les fondements de la société mecquoise.

Grâce à la richesse dont jouissaient les Mecquois et au fait que cette richesse provenait essentiellement du commerce extérieur, ils disposaient de beaucoup de temps libre. Comme nous l'avons dit précédemment, rares étaient les Mecquois qui pratiquaient un autre métier que le commerce, qui consistait principalement à organiser des caravanes commerciales et des missions avec lesquelles partaient seulement ceux qui possédaient une expérience solide de ce type de commerce, ainsi que le nombre nécessaire d'assistants, de porteurs et de chameliers. La plus grande caravane que les Mecquois aient envoyée fut peut-être celle que les musulmans de Médine tentèrent d'intercepter peu après que le Prophète  s'y fut installé, une tentative qui donna lieu à la bataille de Badr où les musulmans obtinrent une grande victoire.

Cette caravane était composée d'un millier de chargements de chameaux, accompagnés par seulement trois cents personnes. Un grand nombre de notables de La Mecque partaient avec ces caravanes lorsqu'ils étaient encore très jeunes, parce que ces voyages leur apportaient une grande expérience. Lorsqu'ils en avaient assez, ils confiaient la tâche à leurs enfants ou à ceux de leurs assistants qui s'étaient distingués dans le commerce. Nous avons un exemple de ces hommes compétents qui représentaient les notables de La Mecque dans les expéditions commerciales en la personne de Suhayb, qui voyageait pour le compte de Abdullâh ibn Jud'an, l'un des hommes les plus riches de La Mecque. Suhayb, un ancien esclave, acquit une fortune considérable en recevant des commissions, puis commença ensuite à investir son propre capital.

La vie étant si facile à La Mecque, il était inévitable que les vices sociaux se répandent et deviennent monnaie courante. On passait beaucoup de temps à rechercher le plaisir sous ses différentes formes. Les idées religieuses et les valeurs morales étaient au plus bas. Bien avant la naissance du Prophète , les Arabes avaient commencé à dévier de la foi pure d'Abraham et Ismaël. Avec le temps, leurs croyances religieuses finirent par ne présenter qu'une très vague ressemblance avec la foi prêchée par les prophètes.

Les Arabes avaient imité les pratiques idolâtres d'autres nations et oublié leur foi monothéiste, enseignée par Abraham et Ismaël. Les idoles étaient omniprésentes, dans toutes les tribus. Certaines idoles étaient vénérées par tous les Arabes, tandis que d'autres étaient considérées comme les divinités particulières de tribus précises. Certaines familles avaient leurs propres idoles, et lorsque les gens partaient en voyage, ils emmenaient parfois leur idole avec eux pour leur procurer des bienfaits.

Les Arabes adoraient ces idoles, qui n'étaient pourtant que des objets inanimés : ils leur offraient des sacrifices, les consultaient au sujet de leurs affaires et leur attribuaient une part de leur bétail et du produit de leurs terres. Ils affectaient certaines idoles à certaines tâches : les unes avaient pour spécialité d'amener la pluie ou de faire souffler le vent, les autres de donner une progéniture aux parents, de guérir les maladies ou encore d'épargner à la communauté des maux comme la famine, etc. Afin de surmonter le fait évident que ces idoles n'étaient rien de plus que des objets qu'ils fabriquaient eux mêmes, les Arabes leur attribuaient une position intermédiaire entre eux-mêmes et Dieu.

Les idoles servaient d'intercesseurs, intervenant pour eux auprès de Dieu pour qu'il ne les punisse pas trop sévèrement de leurs péchés. Il y avait trois cent soixante idoles dans la Ka'ba et autour. Les principales étaient Hubal, al-Lât et al-'Uzzâ, qui étaient considérées comme les chefs de toutes les idoles arabes. Hubal était une statue de cornaline rouge, de forme humaine. Lorsque les Quraysh prirent le contrôle de La Mecque, ils trouvèrent Hubal avec un bras cassé : ils le remplacèrent par un bras en or. C'était l'idole suprême. Al-Lât se trouvait à Tâ'if, tandis que al-'Uzzâ avait sa propre place près de Arafat.

Quand ils s'apprêtaient à se lancer dans une entreprise importante, les Arabes se rendaient à la Ka'ba et donnaient à un homme chargé des tirages au sort une somme d'argent et un chameau pour qu'il tire au sort avec l'aide de Hubal. Ils acceptaient la décision sans discussion. De même, si un crime était commis et qu'ils ne pouvaient en déterminer l'auteur, ils tiraient au sort. Si le résultat accusait quelqu'un, il était considéré comme le criminel et n'avait aucune possibilité de prouver son innocence.

Contexte Mecquois

19/04/2013 20:38

 

                                        Croyances absurdes

L'une de leurs croyances les plus absurdes était que Dieu S'était marié aux djinns et avait eu comme filles les anges. Ils adoraient donc les anges, qu'ils considéraient comme les filles de Dieu, et les djinns qu'ils prétendaient être liés à Dieu par le mariage. Ils craignaient beaucoup les djinns, qu'ils considéraient comme de mauvais esprits dont le but principal était de faire du mal. Ils essayaient d'éviter ce mal en portant des amulettes et en recherchant la protection des maîtres des djinns.

Pour eux, la folie et les troubles mentaux étaient l'oeuvre des djinns, et chaque devin avait pour compagnon un djinn qui lui donnait des nouvelles de l'au-delà. Ils se figuraient aussi que chaque poète possédait un djinn qui lui inspirait sa poésie. Ils croyaient également à toutes sortes de superstitions. Par exemple, lorsque quelqu'un était tué, son esprit s'incarnait dans un certain type d'oiseau, appelé al-Hâma, qui tournoyait autour de sa tombe en demandant à boire jusqu'à ce que le meurtre soit vengé.

Les femmes étaient traitées comme inférieures aux hommes. Elles n'avaient droit à aucune part d'héritage, mais étaient elles-mêmes traitées comme faisant partie de l'héritage du défunt. L'héritier disposait à sa guise de la femme du défunt. Il l'épousait sans même lui demander son avis, s'il le souhaitait. Il pouvait aussi la donner en mariage à qui il voulait, sans même lui demander si elle désirait se marier. Un homme pouvait épouser un nombre illimité de femmes, les répudier à volonté et même parfois les laisser dans une situation telle qu'elles n'étaient ni mariées, ni répudiées.

La naissance d'une fille était accueillie sombrement. Pour un père, la naissance d'une fille n'était rien de moins qu'un désastre : cela était dû au fait que les femmes ne combattaient pas dans les guerres tribales et ne gagnaient pas leur vie. Certains se cachaient même pendant des jours, tant était grande leur honte d'avoir conçu des filles. Les fillettes étaient enterrées vivantes par leurs parents car elles représentaient un fardeau financier. Ces enterrements étaient parfois même stipulés dans les contrats de mariage.

Il n'est pas étonnant que les plaisirs de ce monde aient été ce que les Arabes de l'époque avaient de plus cher. Ils pensaient que la mort était la fin absolue de la vie : la résurrection était jugée totalement impossible. Suggérer que les morts puissent revenir à la vie était considéré comme de la folie. Pourtant, les Arabes n'étaient pas dépourvus de vertus. Ils attachaient une grande valeur à la bravoure, à la fidélité, à la sincérité et à l'hospitalité. Ces vertus n'étaient toutefois pas assez solidement ancrées pour susciter un ordre social noble. Elles étaient supplantées par les considérations mesquines et la recherche du plaisir qui caractérisaient cette société.

Ces croyances religieuses absurdes avaient suscité des confusions et des innovations dans de nombreux aspects du culte. On sait, par exemple, que le pèlerinage à la Ka'ba fut pratiqué sans interruption depuis qu'Abraham, sur l'ordre de Dieu, annonça à l'humanité que ce pèlerinage était un devoir pour tous. D'autres nations avaient totalement abandonné ce devoir, mais il continuait d'être accompli en Arabie malgré les changements qui s'étaient infiltrés dans les croyances religieuses, transformant en polythéistes ceux qui avaient autrefois cru en l'unicité divine.

Les Quraysh avaient néanmoins introduit des innovations dans les rites du pèlerinage. Bien qu'on ne puisse pas dater exactement ces innovations, elles furent probablement introduites un demi-siècle environ avant le début des révélations coraniques. Il est bien connu que certains rites du pèlerinage sont accomplis en dehors du périmètre sacré, qui s'étend dans un rayon de vingt kilomètres environ autour de la Ka'ba. La station d'Arafat, qui est le rite central du pèlerinage, en fait partie puisque Arafat se situe au-delà du périmètre sacré.

Tout le monde sait qu'aucun pèlerinage n'est valable si le pèlerin n'était pas présent à Arafat le 9 de dhul-hijja, le dernier mois de l'année lunaire. Les Quraysh avaient cependant décrété qu'eux mêmes étaient exemptés de cette présence à Arafat. Ils justifiaient cette affirmation en disant que la Ka'ba était le point le plus sacré sur terre. Le périmètre sacré, qui entoure la Ka'ba, dérivait son caractère sacré du fait que la Ka'ba en était le centre : il n'était pas logique, affirmaient-ils, que des gens vivant à l'endroit le plus sacré de la terre se rendent à un endroit moins sacré pour y accomplir leurs rites religieux, tandis que d'autres parcouraient des centaines de kilomètres pour venir accomplir leurs rites dans le périmètre sacré. Ils décidèrent donc de ne pas se rendre à Arafat lorsqu'ils accomplissaient le pèlerinage, tout en reconnaissant que cela faisait partie du pèlerinage pour les autres.

Ils s'attribuaient le nom de hums, c'est-à-dire linguistiquement « les puritains », et incluaient dans ce titre les habitants du périmètre sacré et leurs descendants, que ceux-ci vivent ou non à l'intérieur de ses limites. Cela revenait à répartir les pèlerins en deux catégories, et à accorder des privilèges injustifiés aux gens de La Mecque pour la seule raison qu'ils vivaient dans le voisinage de la Ka'ba. Or, cela est contraire à l'essence même de la foi divine prêchée par Abraham, Ismaël et tous les prophètes jusqu'à Muhammad .

La foi divine considère tous les êtres humains comme égaux, et ils ne peuvent se distinguer que par leurs actes, et non par des circonstances fortuites comme la naissance, la nationalité ou la race. Lorsque la notion de classe privilégiée s'installe dans une société, cette classe parvient habituellement à accroître ses privilèges avec le temps. C'est exactement ce que firent les Quraysh, mais ils s'imposèrent également certaines restrictions qui représentaient peut-être une compensation pour leurs privilèges injustifiés.

Ils affirmaient qu'ils n'avaient pas le droit de fabriquer de matière grasse pour la cuisson à base de lait ou de beurre lorsqu'ils étaient en état de sacralisation (ihrâm). Ils n'avaient pas non plus le droit d'entrer dans une habitation faite de poils d'animaux durant leur ihrâm ; ils ne pouvaient séjourner que dans des habitations ou des tentes faites de peaux d'animaux. Aucune raison particulière n'était donnée à ces restrictions, qui servaient simplement à souligner que les hums formaient une classe à part. Les Quraysh imposaient des restrictions plus sévères encore aux pèlerins venant de l'extérieur du périmètre sacré.

Contexte Mecquois

19/04/2013 20:39

                                                                  Croyances étranges

 

 

Les pèlerins et tout étranger se rendant à La Mecque n'avaient pas le droit de manger de nourriture apportée de l'extérieur du périmètre sacré. Ils ne pouvaient manger que ce que les habitants de La Mecque leur donnaient ou ce qu'ils achetaient dans la cité sacrée. En outre, pour pouvoir accomplir leur tawâf en arrivant à La Mecque, ils devaient avoir des vêtements faits ou achetés sur place. S'ils ne pouvaient pas s'en procurer ni en acheter, ils devaient accomplir le tawaf nus.

Les hommes ne devaient rien porter du tout, tandis que les femmes étaient autorisées à porter un seul vêtement, à condition qu'il comporte plusieurs ouvertures laissant apparaître leurs parties intimes. L'idée de la nudité lors de l'accomplissement d'un acte de culte dans un lieu sacré semble extrêmement perverse. On se demande comment les Quraysh avaient pu la justifier et amener les Arabes à l'accepter. Mais il faut se rappeler que ces gens acceptaient de prendre pour divinités des figures de bois et des statues de pierre qu'ils avaient eux-mêmes fabriquées, et qu'ils leur adressaient leurs prières et recherchaient leur aide.

Leur justification pour imposer la nudité aux visiteurs de la Ka'ba était qu'ils ne devaient pas accomplir le tawâf dans les vêtements qu'ils portaient lorsqu'ils avaient commis des péchés. Personne n'était là pour leur expliquer que la purification des péchés concerne l'individu lui-même et non pas ses vêtements.

Si quelqu'un venant de l'extérieur de La Mecque ne pouvait pas acheter de vêtements faits à La Mecque pour son premier tawâf et ne voulait pas accomplir le tawâf nu, il était autorisé à l'accomplir dans ses habits ordinaires à condition de les ôter et de les jeter dès qu'il avait terminé. Ni lui ni personne d'autre n'avait le droit de les utiliser.

Ces absurdités se poursuivirent jusqu'à ce que le Prophète  les abroge. Lors de la saison du pèlerinage de la neuvième année du calendrier musulman, il envoya l'un de ses Compagnons déclarer leur abrogation. Ce fait sera abordé en détail au moment voulu. Dans une telle société, on pouvait s'attendre à ce qu'il se trouve des personnes saines d'esprit pour rejeter des croyances et des pratiques aussi absurdes. Il suffit qu'une personne réfléchisse rationnellement à ce qu'elle fait et au genre de culte qu'elle pratique pour qu'elle comprenne qu'un culte idolâtre ne saurait constituer une religion satisfaisante.

Nous connaissons au moins quatre personnes qui prirent une telle décision en connaissance de cause, durant la période précédant la mission prophétique de Muhammad  : Waraqa ibn Nawfal, 'Abdullâh ibn Jahsh, 'Uthmân ibn al-Huwayrith et Zayd ibn Amr. Il en existait d'autres ici et là en Arabie, mais on n'en sait pas grand-chose. Les quatre précités étaient mieux connus parce qu'ils étaient mecquois. On sait en outre qu'ils se connaissaient entre eux pour leur rejet du culte des idoles.

Il semble qu'ils se soient rencontrés lors d'une célébration organisée chaque année par les Quraysh dans le cadre du culte d'une de leurs idoles. Les Quraysh offraient des sacrifices à cette idole et organisaient des danses et d'autres rites. Ces quatre hommes désapprouvaient les pratiques de leurs concitoyens et se dirent les uns aux autres : « Soyons francs, les gens de notre peuple ne suivent pas une religion convenable. Ils ont déformé la foi de leur père Abraham. Qu'est-ce que cette pierre qui n'entend pas et ne voit pas, et que nous célébrons ici avec des offrandes et des danses ? Il est bien sûr qu'elle ne peut nous apporter ni bien ni mal. »

Lorsque chacun se fut assuré que les autres étaient aussi peu satisfaits que lui du culte des idoles, ils se mirent à réfléchir à ce qu'ils devraient faire pour suivre une religion correcte. Ils finirent par décider de partir séparément rencontrer des prêtres et d'autres érudits dans l'espoir d'apprendre la version originelle de la religion d'Abraham.

Waraqa ibn Nawfal devint bientôt chrétien et étudia la Bible de fond en comble, devenant un érudit chrétien à part entière. Abdullâh ibn Jahsh ne parvint pas à se décider à suivre le christianisme ni aucune autre religion. Lorsque le Prophète  commença à transmettre son message, il embrassa l'islam. Plus tard, il partit avec les musulmans qui émigrèrent en Abyssinie : là, cependant, il se convertit au christianisme et demeura chrétien jusqu'à sa mort. 'Uthmân ibn al-Huwayrith, lui, put rencontrer l'empereur byzantin et devint chrétien. Il jouissait, semble-t-il, d'une position importante auprès de l'empereur byzantin, qui voulait le faire roi de La Mecque. C'était là quelque chose que les Quraysh ne pouvaient accepter. Il fut surnommé « le Cardinal ». Il semble qu'il ait été empoisonné par Amr ibn Jafna, le roi des Ghassan, la tribu arabe qui vivait en Syrie sous la domination de l'empire byzantin.

Quant à Zayd ibn Amr, le dernier des quatre, il voyagea beaucoup en Syrie et en Irak. Il envisagea de devenir juif ou chrétien. Un vieux prêtre chrétien, cependant, lui dit que le moment était proche où un nouveau prophète apparaîtrait au pays des Arabes. Zayd retourna donc à La Mecque pour attendre ce nouveau prophète. Il ne prenait aucune part au culte des idoles et refusait toute viande d'animaux sacrifiés aux idoles. Il s'efforçait de sauver les fillettes sur le point d'être enterrées vivantes par leur père selon la coutume des Arabes. Il disait aux siens qu'il était le seul à suivre la religion d'Abraham.

Il s'adressait à Dieu en disant : « Si je connaissais une forme de culte qui Te soit acceptable, je la suivrais. Mais je l'ignore. » Alors il se prosternait, en plaçant son front dans la paume de sa main dans un geste de soumission à Dieu. Zayd était peut-être celui des quatre qui s'exprimait le plus ouvertement. Il critiquait le culte des idoles, incitant les siens à l'abandonner. Cela poussa certains de ses proches, en particulier son oncle al-Khattâb, à essayer de le ramener à la religion de son peuple. Il lui conseilla à maintes reprises de ne pas s'en écarter.

Il essaya aussi de l'empêcher de partir chercher ailleurs la connaissance religieuse. Al-Khattâb demanda à une femme de la maison de surveiller Zayd et de le tenir informé de ses intentions. Dès qu'elle voyait que Zayd s'apprêtait à partir en voyage, elle prévenait al-Khattâb qui prenait des mesures pour l'empêcher de partir. Lorsque Zayd se mit à critiquer plus ouvertement le culte des idoles, al-Khattâb parvint à l'exiler dans un endroit à l'extérieur de La Mecque afin qu'il garde ses idées pour lui. En outre, al-Khattâb chargea des jeunes gens de Quraysh de lui signaler les mouvements de Zayd. Si Zayd venait en ville, ce qu'il essayait toujours de faire en secret, ils le signalaient à al-Khattâb qui le faisait expulser.

Zayd était très mal traité en ces occasions. Ce que craignait al-Khattâb, c'était que Zayd parvienne à faire des émules, ce qui aurait pu causer des dissensions dans la société arabe. Zayd réussit néanmoins à partir en secret et retourna en Syrie. Ce fut apparemment durant ce voyage, et après avoir parcouru la Syrie et l'Irak, qu'il apprit d'un prêtre chrétien érudit l'imminence de la venue d'un nouveau prophète en Arabie. Lorsqu'il eut vent de cela, il décida de repartir immédiatement pour La Mecque. Malheureusement, il fut assassiné sur le chemin du retour.

Il est intéressant de noter que son fils, Sa'îd, fut l'un des premiers à accepter le message de l'islam lorsque le Prophète  commença à prêcher en secret. Le fils d'al-Khattab, 'Umar, allait devenir l'un des plus fermes partisans de l'islam et le second dirigeant du Califat après la mort du Prophète. Sa'îd et 'Umar demandèrent un jour au Prophète s'il était permis de prier Dieu d'accorder à Zayd Sa miséricorde et Son pardon. Le Prophète répondit affirmativement, ajoutant que le Jour de la Résurrection, Zayd serait dans une catégorie à part.

Contexte Mecquois

19/04/2013 20:46

                                                              Contexte de la Mecque

 

Nous pouvons comprendre de cette affirmation que Zayd n'avait pas d'égal, étant quelqu'un qui s'était mis sincèrement et consciencieusement à la recherche de la vérité, déterminé à la suivre une fois qu'il l'aurait trouvée.

Un autre élément mérite de retenir notre attention : le fait qu'un prêtre chrétien érudit avait informé Zayd du message de Muhammad  et de l'imminence de sa venue. De fait, les théologiens aussi bien chrétiens que juifs en étaient conscients.

Salmân, le Compagnon du Prophète originaire de Perse, avait aussi été informé du message de l'islam par l'un de ces théologiens chrétiens. Son histoire sera relatée en détail par la suite. Par ailleurs, les juifs de Médine avaient l'habitude de dire aux Arabes polythéistes de Médine qu'un prophète apparaîtrait bientôt en Arabie et qu'ils seraient les premiers à le suivre. Chaque fois que des frictions se produisaient entre les communautés juive et arabe de Médine, les juifs faisaient des allusions menaçantes au fait que le nouveau prophète, dont ils disaient la venue imminente, n'hésiterait pas à combattre ses adversaires et à leur infliger de lourdes défaites. Ces menaces ont sans doute joué un rôle dans l'empressement des Arabes de Médine à embrasser l'islam lorsqu'ils en eurent connaissance : ils ne voulaient pas que les tribus juives s'allient au Prophète contre eux.

Nous disposons d'un récit plus détaillé relaté par Salâma ibn Waqsh, un compagnon du Prophète  appartenant aux ansâr et qui participa avec lui à la bataille de Badr :

Nous avions un voisin juif qui vint un jour parler aux hommes de mon clan alors que je n'étais encore qu'un jeune garçon. Il mentionna le Jour de la Résurrection et le fait que tous les êtres humains devraient affronter le Jugement et qu'ils seraient emmenés au Paradis ou en Enfer. Les gens de notre peuple étaient polythéistes et ne croyaient pas à la résurrection ni à une seconde vie. Ils lui demandèrent s'il croyait sincèrement que les gens reviendraient à la vie après leur mort et s'il croyait réellement au Paradis et à l'Enfer. Il répondit : « Oui, je jure que cela est vrai. Je serais même prêt à troquer ma part de cet Enfer contre le plus grand fourneau que vous avez dans votre communauté. J'accepterais que vous allumiez ce fourneau, que vous me mettiez à l'intérieur et que vous le refermiez sur moi, si cela me permettait d'éviter le tourment de l'Enfer dans la vie future. »
Ils lui demandèrent quelles preuves il pouvait avancer pour confirmer ses dires. Il dit : « Un prophète vous viendra de là-bas », en tendant la main vers La Mecque et le Yémen. Ils lui demandèrent dans combien de temps il apparaîtrait. Il me regarda, car j'étais le plus jeune du groupe, et dit : « Si ce garçon vit assez longtemps pour atteindre la vieillesse, il le verra certainement. » Peu de temps après, Dieu envoya Son messager, Muhammad . Le juif était encore vivant parmi nous. Nous accordâmes foi au Prophète, tandis qu'il nia la véracité de son message. Lorsque nous lui reprochâmes son attitude en lui rappelant ce qu'il nous avait dit, il répondit : « Ce que je vous ai dit est vrai, mais votre homme n'est pas celui dont je voulais parler. »

Un autre récit mentionne l'arrivée de Syrie à Médine d'un érudit juif, quelques années avant la venue de l'islam. Cet homme, appelé Ibn al-Hayyabân, était extrêmement pieux. Lorsque la pluie manquait, les juifs lui demandaient de prier pour qu'il pleuve. Il refusait à moins qu'ils ne fassent quelque aumône. Ils se joignaient alors à lui pour prier à l'extérieur de la ville. À peine avait-il fini que le ciel se couvrait et qu'il commençait à pleuvoir à verse. Cela se répéta de nombreuses fois. Quelque temps après son arrivée, il tomba malade et se sentit sur le point de mourir. Il parla à ses frères juifs et commença par leur demander pourquoi ils pensaient qu'il avait émigré d'un pays prospère vers cette terre pauvre et rude. Il leur expliqua ensuite qu'il n'était venu à Médine que parce le moment de la venue d'un nouveau prophète était proche et que Médine serait le lieu où il émigrerait.

« J'espérais, dit-il, qu'il apparaîtrait avant que je meure, afin de pouvoir le suivre. Sa venue est tout à fait imminente, alors, que personne ne le suive avant vous. Il sera doté du pouvoir de faire couler le sang et de faire prisonniers les femmes et les enfants de ses adversaires, mais cela ne devra pas vous retenir de le suivre, frères juifs. »

Lorsque le Prophète  émigra à Médine et fut amené à combattre la tribu juive de Qurayza (comme nous le verrons plus loin), quelques jeunes hommes de cette tribu rappelèrent à leur peuple que Muhammad était le Prophète dont Ibn al-Hayyabân leur avait parlé. Leurs contribules n'étaient pas d'accord avec eux, mais ces jeunes gens étaient convaincus qu'il était bien le Prophète dont la venue leur avait été annoncée. Ils sortirent du fort de Qurayza et déclarèrent leur conversion à l'islam, épargnant ainsi à leurs familles et à eux-mêmes le sort de la tribu de Qurayza. Parmi eux se trouvaient Tha'laba ibn Sa'ya, Usayd ibn Sa'ya et As'ad ibn 'Ubayd.

Il n'est en rien étonnant que des théologiens chrétiens et juifs aient ainsi eu connaissance à l'avance de la venue du Prophète, puisque l'Evangile comme la Thora contiennent des références à Muhammad en tant que dernier des prophètes et des messagers de Dieu.

Première révélation

20/04/2013 17:55

 

La première révélation

Les récits ne nous disent pas grand-chose de la manière dont Muhammad  vécut après son mariage, jusqu'à l'époque où il commença à recevoir les révélations divines. Il est néanmoins certain que son union fut très heureuse. En outre, ce mariage lui procurait une vie aisée. Bien que les récits ne comportent aucune référence directe à l'activité qu'exerçait Muhammad à cette époque, on peut raisonnablement supposer qu'il continua à gérer les affaires de son épouse. Puisque la majeure partie du travail reposait sur le commerce caravanier, la tâche n'était pas très ardue.

Aucun des biographes anciens du Prophète ne fait état de sa participation à des voyages commerciaux pour le compte de Khadîja après leur mariage, mais il gérait très probablement les affaires à sa place. Peut-être choisissait-il les hommes qui voyageaient pour elle et supervisait-il les préparatifs à l'expédition des marchandises avant le départ de la caravane, ainsi que la vente des produits importés au retour.

Nous ne possédons pas non plus de récit détaillé au sujet du rôle social de Muhammad  à La Mecque. On sait que les Mecquois se retrouvaient autour de la Ka'ba pour y passer des moments agréables le matin et l'après-midi. Malgré sa personnalité aimable et le plaisir que chacun semblait trouver à sa compagnie, Muhammad ne paraît pas s'être beaucoup intéressé à ces réunions, probablement parce que les conversations n'auraient pas manqué de porter sur le culte des idoles et sur la débauche. C'étaient là des sujets de discussion habituels, à moins que des affaires plus sérieuses ne retiennent l'attention. Mais ces sujets n'intéressaient pas Muhammad : il détestait les idoles depuis son enfance, et Dieu le protégeait des plaisirs frivoles. De fait, le fossé intellectuel était profond entre Muhammad et les gens de La Mecque.

Ce fossé continua à se creuser avec les années, sans pour autant que ses concitoyens ne cessent de le respecter pour son caractère honnête, sérieux et aimable. C'était sans doute à cause de cette différence que Muhammad  commença à se retirer de La Mecque pour des périodes d'isolement total. Au mois de Ramadan de chaque année, il se rendait sur une montagne appelée Hirâ, qui n'était distante que de quelques kilomètres mais lui offrait une tranquillité absolue. Il y avait sur cette montagne une petite grotte où Muhammad restait plusieurs jours d'affilée.

Lorsque ses provisions étaient épuisées, il rentrait chez lui en chercher et revenait pour quelques jours encore. À la fin du mois, il rentrait chez lui, en commençant par se rendre à la Ka'ba où il accomplissait le tawâf, tournant sept fois autour de la Ka'ba avant d'aller retrouver sa femme. Pour atteindre cette grotte, Muhammad  devait grimper jusqu'en haut de la montagne puis redescendre un peu de l'autre côté. La grotte est petite : l'entrée est assez large pour qu'une personne y passe facilement, mais deux personnes ont du mal à y prier ensemble. L'entrée est plus étroite au sommet, et mesure tout juste deux mètres de haut.

Bien que le sol de la grotte soit plat, le plafond descend au fur et à mesure qu'on y pénètre : il est très bas au fond de la grotte, où une petite ouverture permet une bonne aération. La grotte n'est pas très spacieuse ; elle est juste assez grande pour permettre à une personne de s'asseoir, de se tenir debout ou de dormir. Il est intéressant de mentionner que lorsqu'on se tient debout pour prier à l'entrée de la grotte en regardant par l'ouverture qui est au fond, on aperçoit la Ka'ba à l'horizon. Juste avant l'entrée, deux grands rochers protègent la grotte et donnent à cet endroit un air totalement isolé. Sur les côtés, les grands rochers forment un petit espace dégagé surplombant un versant presque vertical de la montagne, que seuls des alpinistes bien équipés peuvent essayer d'escalader.

Ce petit espace à côté de la grotte devait permettre à Muhammad de contempler la vie humaine aux alentours et la vaste étendue de l'univers. Muhammad  passait ses journées et ses nuits à méditer et à adorer Dieu. Il adressait son culte au Créateur de l'univers. Il ne suivait pas de forme de culte particulière car il n'en connaissait pas, mais il était conscient de l'absurdité des croyances de ses concitoyens. Muhammad trouvait dans ces jours d'isolement un réconfort qui le soutenait tout au long de l'année.

Il se rendait compte qu'il existait une force de vérité au-delà de ce monde, un pouvoir contrôlant nécessairement l'univers tout entier. Le monde qui l'entourait ne pouvait pas être le résultat d'une coïncidence. Mais il aurait été incapable de dire comment cette vérité se traduisait.

On peut facilement être tenté de surestimer l'importance de cette période d'isolement et de méditation de Muhammad . Des auteurs et biographes modernes, en particulier, ont essayé de le montrer tentant de trouver une issue aux ténèbres dans lesquelles était plongé son peuple. Cela peut nous conduire très près de l'affirmation que Muhammad était à la recherche d'une idée ou d'une croyance. Or, ceci n'est vrai que dans la mesure où l'on entend par là qu'il rejetait toutes les croyances qu'il connaissait et qui avaient cours dans la société mecquoise. Il est certain qu'il n'aspirait nullement au rôle pour lequel il fut plus tard désigné.

S'adressant au Prophète, Dieu dit dans le Coran : « Tu n'espérais point que le Livre te serait révélé. Et s'il l'a été, c'est uniquement par un effet de la miséricorde de ton Seigneur. » (28.86). Néanmoins, cette période régulière d'isolement contribua à préparer Muhammad à recevoir les révélations divines. Cette préparation comportait d'autres aspects. Il était nécessaire que Muhammad  comprenne que la relation unique qui allait bientôt s'établir entre l'Ange Gabriel et lui-même était réelle et véridique. Lorsqu'il était seul, il lui arrivait de voir une lumière ou d'entendre un son ; un être invisible l'appelait parfois par son nom. Cependant, il ne s'en préoccupait guère.

Lorsqu'il était inquiet, il faisait part de ses craintes à son épouse Khadîja : elle le rassurait en lui disant que jamais Dieu ne permettrait qu'un mal lui arrive. « Par Dieu, disait-elle, tu t'acquittes fidèlement de tes charges, tu es bon envers tes proches et tu dis toujours la vérité. » Elle alla néanmoins voir son cousin Waraqa ibn Nawfal, le vieil érudit chrétien, pour l'interroger sur ce que Muhammad voyait et entendait : il la rassura à son tour, et fit dire à Muhammad d'être rassuré.

Montagne Hira

20/04/2013 17:56

 

                                                         Dans la Montagne de Hira

Puis le moment voulu arriva. C'était au mois de Ramadan de l'année 610 après. J.C. ; Muhammad  avait alors quarante ans, et passait le mois dans la montagne de Hirâ comme il en avait l'habitude depuis plusieurs années. Soudain, Muhammad vécut une expérience tout à fait extraordinaire, dont son épouse Âïsha a fait le récit : La Révélation se manifesta d'abord au Messager de Dieu sous la forme de visions : les visions qu'il avait dans son sommeil se réalisaient toujours très précisément. Puis il se mit à aimer la solitude. Il se retirait dans la grotte de Hirâ où il pratiquait des actes d'adoration plusieurs jours de suite avant de rentrer chez lui. Il se munissait de provisions pour cela, puis rentrait se réapprovisionner avant de repartir. Cela continua jusqu'au moment où la vérité lui vint dans la grotte de Hirâ.

L'ange lui apparut et lui dit : « Lis ! » Il répondit : « Je ne suis pas de ceux qui lisent. » Le Prophète a relaté :
« L'ange me saisit alors et me pressa au point de me faire perdre toute force, puis me lâcha et me dit : "Lis !" Je répondis : "Je ne suis pas de ceux qui lisent." Il me saisit et me pressa une seconde fois jusqu'à me faire perdre toute force, puis me lâcha et dit : "Lis !" Je répondis encore : "Je ne suis pas de ceux qui lisent." Il me saisit et me pressa une troisième fois, puis il dit : "Lis au nom de ton Seigneur qui a tout créé, qui a créé l'homme d'une adhérence ; lis, car la bonté de ton Seigneur est infinie ! C'est Lui qui a fait de la plume un moyen du savoir et qui a enseigné à l'homme ce qu'il ignorait." »

Le Prophète revint chez lui auprès de Khadîja, le coeur palpitant. Il s'exclama : « Enveloppez-moi, enveloppez-moi ! » On l'enveloppa jusqu'à ce que son effroi se dissipe. Il dit alors à Khadîja : « Que m'arrive-t-il ? » Il lui relata ce qui s'était passé et ajouta : « J'ai craint pour moi-même. » Khadîja répondit : « Tu n'as rien à craindre, calme-toi. Jamais Dieu ne te plongera dans l'opprobre ; tu préserves les liens de parenté, tu dis la vérité, tu aides les faibles, tu pratiques l'hospitalité et tu soutiens les causes justes. »

Khadîja l'emmena alors chez Waraqa ibn Nawfal, son cousin du côté paternel. C'était un homme qui avait embrassé le christianisme et un érudit connaissant bien l'arabe, l'hébreu et la Bible. C'était un vieillard âgé, devenu aveugle. Khadîja lui dit : « Mon cousin, écoute le fils de ton frère. » (Cette expression n'est pas à prendre au sens propre, mais appartient aux usages de politesse qui avaient cours en Arabie à l'époque.)

Waraqa lui demanda : « Qu'as-tu, fils de mon frère ? » Le Prophète lui relata ce qu'il avait vu. Waraqa lui dit alors : « C'est la même révélation qui a été envoyée à Moïse. Ah, si j'étais jeune, si j'étais encore en vie quand ton peuple te chassera ! » Le Prophète demanda : « Mon peuple va-t-il donc me chasser ? » Il lui répondit : « Oui, jamais un homme n'a apporté ce que tu apportes sans être persécuté. Si je vis encore à ce moment-là, je t'aiderai de toutes mes forces. » Mais Waraqa mourut peu après.

Ce hadîth est relaté dans les deux recueils les plus authentiques des traditions du Prophète , ceux d'al-Bukhârî et Muslim, ainsi que dans le recueil de l'imam Ahmad.

Message du ciel

20/04/2013 17:58

 

                                                   Un message du ciel

Avant de poursuivre le récit et de voir ce que fit le Prophète  lorsqu'il rentra chez lui, il nous faut dire quelques mots du sens de la relation qui s'était établie à ce moment, lorsque Muhammad reçut l'Ange Gabriel qui lui apportait ses révélations. On ne saurait mieux faire que de citer ici un éminent érudit du vingtième siècle, Sayyid Qutb, qui a écrit dans son inestimable ouvrage A l'ombre du Coran :

Là véritable nature de cet événement est que Dieu, le Sublime, le Dominateur, le Tout-Puissant, le Suprême, le Souverain de tout l'univers, S'est tourné dans Sa bienveillance infinie vers Sa créature appelée « l'homme », qui vit dans un minuscule coin de l'univers appelé « la terre ». Il a honoré cette espèce de Sa création en choisissant l'un de ses membres pour recevoir Sa lumière divine et être le gardien de Sa sagesse.

C'est là un événement immense, dont on peut mesurer le caractère extraordinaire lorsqu'on s'efforce, autant que possible, de percevoir les attributs essentiels de Dieu : Son pouvoir absolu, Sa liberté infinie et Son éternité, et qu'on réfléchit, inversement, aux caractéristiques essentielles des serviteurs de Dieu, avec leurs capacités et leur durée de vie limitées. On peut alors percevoir la signification de cette attention de Dieu pour l'être humain. À ce dernier d'en comprendre la valeur et de manifester sa reconnaissance par les prières et l'adoration, empreint du sentiment que l'univers tout entier partage le bonheur général répandu par la révélation des paroles divines à l'homme dans son coin obscur de l'univers.

Quel est le sens de cet événement ? Par rapport à Dieu, cela signifie qu'il est la source de tous les immenses bienfaits et de la miséricorde infinie. Il est le Bienveillant, l'Aimant, qui comble l'homme de Sa miséricorde et de Sa grâce pour la seule raison que la Bonté est l'un de Ses attributs divins. Par rapport à l'homme, cet événement signifie que Dieu lui a conféré un honneur si immense qu'il ne pourra jamais en être suffisamment reconnaissant, quand bien même il passerait toute sa vie à adorer Dieu et à se prosterner. Cet honneur, c'est que Dieu lui a prêté attention, S'est occupé de lui, a établi un contact avec lui et a choisi un être humain comme messager pour lui révéler Ses paroles ; que la terre, résidence de l'être humain, a reçu ces paroles divines dont l'univers tout entier se fait l'écho avec soumission et révérence.

Ce grand événement a commencé dès le premier instant à influencer la vie de l'humanité entière. Il a marqué un changement dans le cours de l'Histoire, résultant du changement causé dans le cours de la conscience humaine. Il a précisé de quelle source l'homme devait dériver ses idées, ses valeurs et ses normes. Cette source, c'est le Ciel et les révélations divines, et non pas ce bas monde et les désirs humains. Lorsque ce grand événement se produisit, les gens qui en reconnurent la nature véritable et agirent en conséquence furent manifestement protégés par Dieu.

C'est à Lui qu'ils s'en remettaient directement pour être guidés dans toutes leurs affaires. Ils vivaient et agissaient sous Sa direction. Ils s'attendaient à ce qu'il les guide sur le chemin, pas à pas, mettant un terme à leurs erreurs, leur montrant le bien. Chaque nuit, ils espéraient recevoir une révélation divine concernant ce qui les préoccupait, leur apportant des solutions et leur disant : « Faites ceci, ne faites pas cela. »

La période qui fit suite à cet événement fut assurément remarquable : vingt trois années de contact direct entre l'espèce humaine et la Société Suprême (les anges). La nature véritable de cette période ne peut être reconnue que par ceux qui y vécurent et éprouvèrent cette expérience, qui en virent le début et la fin, qui goûtèrent à la douceur de ce contact et sentirent la Main divine les guider le long du chemin. La distance qui nous sépare de cette réalité est trop grande pour être définie par une quelconque mesure connue de ce monde.

C'est une distance du monde spirituel, incomparable à aucune distance du monde matériel, pas même lorsqu'on pense aux écarts entre les étoiles ou les galaxies. C'est la distance qui sépare la Terre des Cieux ; la distance entre les désirs humains et les révélations divines en tant que sources des idées et des valeurs ; la distance entre l'ignorance et l'islam, entre l'humain et le divin.

Les gens qui vécurent à cette période étaient pleinement conscients de son caractère unique ; ils reconnaissaient sa place particulière dans l'Histoire, et éprouvèrent l'immensité de la perte subie lorsque le Prophète  mourut pour rejoindre le Compagnon Suprême - c'est-à-dire Dieu. Cela marquait la fin de cette époque remarquable que nos esprits auraient du mal à concevoir si ce n'était qu'elle a réellement eu lieu.

Anas a rapporté qu'Abû Bakr dit à 'Umar après la mort du Prophète : « Allons rendre visite à Umm Ayman comme le faisait le Prophète. » (C'était la nourrice qui s'était occupée de lui dans son enfance.) Lorsqu'ils allèrent la voir, elle se mit à pleurer. Ils lui dirent : « Pourquoi pleurer ? Ne te rends-tu pas compte que la compagnie de Dieu est meilleure pour le Prophète ? » Elle répondit : « C'est vrai, j'en suis bien sûre. Si je pleure, c'est parce que la révélation a cessé avec sa mort. » Cela fit couler leurs larmes, et tous trois pleurèrent ensemble. (Rapporté par Muslim)

L'impact de cette période est manifeste dans la vie de l'humanité, depuis son commencement jusqu'à nos jours, et il en sera ainsi jusqu'au jour où Dieu héritera de la Terre et de tous ses habitants. L'homme a connu une nouvelle naissance le jour où il a commencé à tirer ses valeurs du Ciel plutôt que de la Terre, et ses lois des révélations divines plutôt que de ses propres désirs. Le cours de l'Histoire a alors subi un changement qui n'a jamais eu son pareil, ni avant ni après.

Cet événement, le début de la révélation, a été la croisée des chemins. Alors furent établies des normes claires et permanentes, qui ne sauraient être modifiées par le passage du temps ni effacées par les événements. La conscience humaine a élaboré une conception de l'existence, de la vie humaine et de ses valeurs jamais égalée par son envergure, sa clarté, son détachement de toute considération matérielle, ainsi que par son réalisme et son applicabilité à la société humaine.

Les fondements de ce code divin ont été fermement établis dans le monde, ses divers aspects et ses principes essentiels ont été clairement expliqués « pour que périsse en connaissance de cause celui qui doit périr et pour que vive en connaissance de cause celui qui doit vivre » (Coran 8.42).

Le début de la révélation fut un événement unique à un moment unique, marquant la fin d'une époque et le commencement d'une autre. C'est la ligne de démarcation de l'histoire humaine, et pas seulement de l'histoire d'une nation ou d'une génération en particulier. Cet événement a été enregistré dans l'univers et s'est répercuté dans tous ses recoins. Il a aussi été enregistré dans la conscience humaine, qui a besoin aujourd'hui d'être guidée vers ce que Dieu a révélé et de ne jamais le perdre de vue. Il faut se rappeler que cet événement fut une renaissance de l'humanité et ne peut se produire qu'une seule fois dans l'Histoire.

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